« Je viens vous chanter la ballade des gens heureux » : un samedi en dédicace.
Un jour, la lecture d’un article m’apprend qu’un écrivain célèbre refusait les séances de dédicace. Il estimait que ses livres se vendaient très bien sans lui. À mon humble avis, il rate une partie essentielle de la transmission de l’auteur au lecteur.
Juillet s’est clôturé à coups de tonnerre, de batailles de grêle, de rafales de vent, le baromètre en chaleur et la terre qui craque sous les assauts du soleil. Un temps « de jamais vu » nous serine-ton aux informations…
Et mes dédicaces durant ce premier semestre ? Quoi de neuf ? Jusqu’avant ce samedi 27/7/19, la routine. Et là c’était magique. Pourquoi ? Grâce à quoi ou à qui ? Il suffit d’un rien, d’un regard échangé, d’un sourire appuyé, d’une remarque parfois innocente mais pleine de sens… De tous ces livres hyper médiatisés, cintrés de bandeau rouge… prix de ceci, prix de cela… Ils sont là tout près de moi et me narguent. Je vois des lecteurs, tels des papillons attirés par la lumière, se précipiter sur les Levy, Musso, Vargas et tant d’autres achetés les yeux fermés. Moi, petite auteur, comment garder encore la foi ? Pourquoi choisirait-on tel ou tel de mes livres dont peu de gens ont entendu parler ? L’espace de quelques secondes, je me décourage. Vais-je sortir de ma valise mes livres ? Une toute petite voix me susurre « maintenant que tu es là, fonce et OSE ! C’est à chaque fois le même scénario. OSER ! Je reprends du poil de la bête, j’aime les défis. Aussi je m’applique pour mettre tous mes titres en valeur sur la table qui m’est désignée. Souvent je m’entends dire « ah c’est qui avez écrit… (Peut-être n’ai-je pas la tête de l’emploi, qui sait ?). Oui, oui c’est moi… (affirme-je la tête haute). Je ne vous connais pas… Pas grave je suis là pour faire connaissance (pardi !) Des sourires de circonstance ou sarcastiques cherchent à me déstabiliser. Je ne perds pas le nord… moi la fille du Sud ! J’offre en retour mon plus beau sourire, mes plus belles explications sur tel ou tel de mes écrits, animée de ma passion débordante et lorsque la joute se termine par « ok, pourquoi pas essayer celui-ci ? Il me parle ». Je suis fière d’avoir emporté la bataille « auteurs hyper médiatisés contre une auteure de l’ombre, et c’est moi qu’on a choisie ». Là ne s’arrête pas le travail d’un auteur. Il faut personnaliser la dédicace, écouter ce que le lecteur a envie de lui dire.
Samedi une dame d’un certain âge m’a confié « je lis beaucoup mais ces derniers temps je tombe sur des livres avec trop de personnages et on s’y perd ». J’ai mémorisé ce conseil qu’elle me donnait mine de rien, sans même m’avoir jamais lue. Je lui ai répondu « j’y veillerai ». Puis elle me regarde et me demande, on dirait que ce livre n’attire pas les lecteurs, en désignant le tas intact de « La Miraculée ». Je lui réponds en toute bonne foi, que je n’en avais pas encore dédicacé ce matin. « Normal, m’a-t-elle ajouté, vous n’en parlez même pas, alors je vais lui donner sa chance ». Comment a-t-elle deviné que ce livre comptait tant pour moi, même si je n’en parle pas (plus) ? En parler c’est raviver ma souffrance d’une année… que je m’exhorte à oublier… Émotion garantie.
Une gamine d’une dizaine d’années qui s’arrête devant « Gustave », me dévore des yeux et me demande si elle peut... Bien sûr ! Soudain elle crie « maman attends-moi ». La mère s’était éloignée mais la gamine continuait à lire la quatrième de couverture, puis lève les yeux et crie à nouveau « maman viens, j’ai besoin de toi »… Sa mère revient sur ses pas et me dit « ma fille ne résiste pas lorsqu’elle voit un auteur il faut qu’elle lui achète son livre. Je lui présente donc « Gustave » mais les yeux implorants de la gamine quémandaient plus. Elle voulait « Gustave » et la suite « Lettre à pépé Charles ». Ce qu’elle a obtenu aisément avec cette phrase de sa maman qui fait bien plaisir à tout auteur : « tant que c’est pour des livres, je cède »…
Un garçonnet de neuf ans et son papa. Un tout autre registre. Ils sont silencieux et tournent autour de la grande table de livres d’auteurs hyper connus et hyper médiatisés. Ils les survolent du regard, rêveusement, sans y toucher. Ils arrivent à ma hauteur et je leur propose de présenter « Gustave » au fils. Le père est tout de suite séduit mais les yeux de l’enfant affichent le contraire. Grognon, il ne veut pas s’approcher de ma table, ne désirant pas me parler. Beau joueuse je dis au papa qu’il ne faut pas insister, qu’un livre doit être un coup de cœur, mais que je pouvais également lui présenter les livres pour adultes. Là, écoute quasi religieuse, regard doux et admiratif. Puis il propose à son fils, en parlant tout bas, de juste au moins feuilleter « Gustave », que la dame a écrit. Rien à faire. Le père choisit « À l’assaut du bonheur » et me demande très poliment une dédicace. L’enfant soudain s’anime, se dirige vers « Gustave » en prend un et me le tend : « moi aussi ». C’est tout ce qu’il a réussi à me dire. Son regard valait tous les discours.
Une dame s’approche de ma table et visiblement aime la lecture. En posant ses yeux sur « À l’assaut du bonheur », son regard se brouille. Aucun son ne pouvait sortir de sa bouche. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait, puis les larmes ont coulé et j’ai compris que c’était un récent chagrin qui refaisait surface. Elle ne pouvait plus endiguer le flot de paroles qui la submergeait. D’autres personnes s’approchaient de ma table, je ne les voyais pas, seule cette femme qui avait besoin de partager son récent deuil m’importait. J’ai fait du mieux que j’ai pu pour lui apporter un peu de réconfort. J’espère que mon roman le fera également.
J’arrête là mon bavardage de peur de lasser. Le bonheur ne serait pas total sans partage. Quelques pépites vécues dans une journée de rencontres… Une juste récompense.
Voilà dix ans que je passe la plupart de mes week-ends en dédicace, de ville en ville, tel le troubadour des temps modernes où tout va si vite, où on ne prend pas le temps d’écouter son prochain, mais où un artiste peut apporter sa petite pierre de bonheur lorsque le besoin s’en fait ressentir.
Alors on continue ?
Je serai en dédicace au mois d’août :
- Samedi 3/8, Espace Culturel du Ctre Leclerc à Montauroux 9h/18h
- Jeudi 8/8, à Bormes les Mimosas, nocturne de 17h à 22H
- Samedi 17/8 – Cultura de Sorgues de 10h à 18h
Merci.