« Ah celui-là, avec son optimisme, il ferait fleurir un désert » de Jean Teulé
J’avais écrit et publié sur les réseaux sociaux, un article sur la perception du temps. En réponse, un commentaire posté ce matin m’a interpelée. Une « amie » me dit que Pierre Rabbi a écrit « le plus grand problème de l’homme c’est de ne pas savoir quand il va mourir ».
Plus la matinée avançait et plus cette phrase revenait en boucle dans mon esprit.
Petite fille, j’ai souvent entendu mon grand-père, qui était la sagesse même et qui est mort centenaire, dire à la petite intrépide, toujours pressée que j’étais et que je suis encore, « le jour où on pourra lire sur notre front, on connaîtra la date de notre mort. Alors prends le temps de vivre ».
Aussi je me suis posée la question : serais-je intéressée de connaître la date de ma mort ? Est-ce que d’aucuns aimeraient la connaître ou seraient-ils dans le traumatisme de ne pouvoir maîtriser la date fatale ? Et si j’arrivais à lire la date de ma mort sur mon front quelles seraient mes préoccupations jusqu’au jour J, surtout s’il est proche ?
Serais-je toujours aussi optimiste ?
La mort n’a jamais été, ni un problème, ni une crainte, ni une hantise, ni une fin en soi pour moi. Je vis ma vie chaque minute de toutes les heures de tous les jours de toutes les années sans y penser, comme un cheval lancé au galop que rien n’arrête. Mais encore ?
Un malade cancéreux par exemple, qui s’entend répondre à sa question pressante posée au médecin sur le temps qu’il lui reste à vivre : « je ne sais pas trois mois, tout au plus six ». Le malade va réagir soit en se battant et il vivra encore un peu plus longtemps, voire activera sa guérison au grand étonnement de toutes les médecines réunies qui n’avaient pas donné cher de sa peau. Soit se laissera-t-il mourir sur le champ ne voulant plus se battre ni souffrir. Jusque-là c’est la routine du duel à la vie à la mort. Le destin qui frappe à la porte !
Mais poussons un peu plus loin le bouchon. Imaginons que tout le monde sait quand il va mourir. Comment « tout le monde » réagira-t-il ?
Certains, paniqués de voir leur vie s’achever incessamment sous peu, vont chercher à réaliser leurs fantasmes, puisqu’ils n’ont plus rien à perdre. Et là, au secours ! Nous aurons encore plus de tueurs dans les rues, de violeurs, de jaloux, de fantasques.
N’est-ce pas un peu ce qui se passe avec ces barbares, qui eux savent quand ils vont mourir, puisqu’ils l’ont décidé ? Ils veulent en finir avec leur vie qui les encombre et ils sont prêts à tout. Ce sont des déséquilibrés, des malades mentaux, nous dit-on. Certes on le serait pour moins que ça. En attendant la mort a pris tout le monde par surprise mais n’est-ce pas mieux plutôt que de vivre dans l’attente d’une mort annoncée ? Parce que savoir quand on va mourir n’est pas suffisant, encore faut-il savoir comment on va mourir ? Mais là on déjouerait tous les pièges de la mort et on deviendrait invincible.
Ainsi, soyons sérieux tout de même, n’est-il pas dangereux de savoir quand tout va s’arrêter ? Ne vaut-il pas mieux vivre avec l’espoir des jours heureux, les envies à réaliser, l’avenir devant soi à construire, sans se poser la question du genre « à quoi bon ? Pour moi c’est foutu, je meurs demain » !
Alors, entre nous, est-ce bien le plus grand problème de l’homme que de ne pas connaître la date de sa mort ?
À votre santé !