« La lecture, une porte ouverte sur un monde enchanté » de François Mauriac
J’ai lu, partagé, approuvé, commenté par-delà tous les réseaux amis, ces derniers événements c’est-à-dire cette tuerie effarante. J’ai failli en être, mais la mort était aux aguets juste un peu plus loin. Elle n’a pas voulu de moi. Un pneu qui éclate, une embardée et l’envie prévue d’aller faire la fête à Nice en ce jour de 14 Juillet s’est pulvérisée. Une grande frayeur mais si insignifiante par rapport à ce qu’ont dû vivre les pauvres victimes. Alors, en me réveillant vendredi matin, j’avais de nombreux messages sur mon Iphone « Un tel ou une telle est en sécurité à Nice »… je me frottais les yeux, encore et encore. C’est une plaisanterie ? Non ce n’est pas possible. J’allume mon poste de télévision, et là les infos qui tournent en boucle, le sensationnel, les vidéos prises sur le vif et je m’interroge. L’horreur en direct filmée par des quidams postés derrière leur fenêtre et relayée sur toutes les chaines de télévision, une honte ! Je suis révulsée. Comment peut-on filmer l’horreur impassiblement de sa fenêtre ? Comment ne pas courir porter secours à ces enfants, ces femmes, ces hommes ? L’homme avec ses faiblesses n’est-il pas à l’image de tout ce qui se passe aujourd’hui ? Ces téléphones portables qui servent à tout sauf à téléphoner, ces réseaux sociaux où chacun vient exhiber sa vie, voilà de quoi est fait notre monde actuel, de l’éphémère, des sables mouvants, des serpents qui grouillent, des loups qui rôdent et des innocents qui tombent.
Comme le lendemain des attentats de Novembre où je devais dédicacer à Marseille, je me suis demandée si j’aurais le courage d’aller présenter mes livres à Montauroux. Si la décence ne me commandait pas de tout annuler et de rester à la maison. La révoltée qui est en moi m’a dit : « vas-y, tu n’es pas une ingrate ». Les premières personnes qui passaient devant ma table semblaient hagardes, encore sous le choc. J’ai même eu le sentiment que mon sourire les agressait. Certaines m’ont dit « non, non je passe en coup de vent et je rentre chez moi ». Un monsieur avec son fils m’a demandé si je savais où étaient les cartes routières, ils partaient en vacances le lendemain et la promenade des anglais était fermée à la circulation. Je me suis dit «chacun pour soi et Dieu pour tous, la vie continue ». J’étais un peu découragée, gênée, stressée, ne sachant que dire ou faire, puis s’est arrêtée devant moi une femme qui me dit « je ne devais pas venir ici, je travaille dans une heure et là j’ai envie de bavarder un peu avec vous ». Et on a bavardé. Elle est maître-nageuse, habitant le Nord, venue exercer sa profession durant l’été sur la Côte d’Azur. Mes livres, elle les lira en octobre, à son retour chez elle. Un couple de retraités qui ne lit pas, passé pour une bricole et qui s’arrête également pour me raconter son quotidien. Un monsieur m’a demandé si je savais qui avait envoyé le premier mail de la France vers les Etats-Unis ? C’était lui Jean-Claude avec son fils… Et bien sûr nous avons enchaîné sur les dérives des réseaux. Mais personne n’abordait le drame niçois. Les âmes de toutes les victimes planaient au-dessus de nos têtes. Les échanges tendus du matin ont évolué positivement au fil du temps.
Plus la journée avançait et plus les gens m’offraient leurs pensées positives. Puis le lendemain, tout est rentré dans l’ordre. Les gens avaient besoin de se sentir vivants, de rire, de plaisanter, de se faire plaisir. Cette maman française, née dans la région mais vivant en Suisse, accompagnée de sa fille et de son mari. Elle a voulu prendre des photos pour immortaliser notre rencontre et en partant son mari m’a dit « à tout de bon » expression suisse pour me souhaiter le meilleur m’a-t-il expliqué. Cette petite fille à qui je racontais un peu « Gracieuse et Panache » et qui m’a chuchoté : « je veux vous dire quelque chose dans l’oreille, vous êtes très gentille ». J’ai imaginé aisément qu’elle pensait au méchant dont tout le monde parlait depuis deux jours. Tous ces gens généreux qui m’écoutaient avec un plaisir évident et une générosité sans faille. Une dame a essuyé furtivement une larme. Elle ne devait pas être là mais traumatisée par le décès d’une amie à Nice est venue se changer les idées : « Vos livres c’est Noël avant l’heure, ils me seront d’un bon réconfort ». Le hasard était présent dans bien des discussions… Le hasard qui fait les rencontres, parfois dramatiques mais souvent euphoriques et attendrissantes.
La responsable du magasin était étonnée de voir autant de monde pour un mois de juillet. Les gens avaient besoin de quitter ces informations qui tournaient en boucle à la télé, ce voyeurisme, ce lynchage politique. Ils avaient besoin de bavarder, d’exorciser le malaise qui les habitait, de refuser le fatalisme ambiant.
ILS ONT BESOIN D’AIMER ET ILS ME L’ONT PROUVÉ.
Le pire des sentiments qui anime ces fous, ces barbares, ces tueurs, s’intitule L’INGRATITUDE. Ils mordent la main qui leur a été tendue sous des prétextes les plus fallacieux qui soient !
Quant à moi, juste MERCI à vous toutes et tous. Vous m’avez ouvert la porte de votre cœur, avez fait entrer mes livres chez vous en toute confiance et en toute amitié.
« Il est où le bonheur ? Je veux chanter mes plus belles notes et ça ira mieux demain… Il est là dans le cœur et la tête » chante Christophe Maé.